La gouvernance collaborative : quels bénéfices pour l’entreprise ? L’exemple de RESISTEX
Posted by CoreKap / novembre 16th, 2016 / No responses
A l’heure où le collaboratif bouscule notre économie, nos industries et même nos modes de vie, de nombreux entrepreneurs ont progressivement intégré cette nouvelle variable à leur gouvernance d’entreprise. Ces derniers n’hésitent plus à consulter, interroger ou impliquer leurs collaborateurs dans leur prise de décision stratégique.
Mais quels peuvent-être les bénéfices d’une gouvernance dite collaborative pour une entreprise ?
Pour répondre à cette question, nous sommes allés interviewer Bernard ALFANDARI, Président de l’entreprise RESISTEX. Créée en 1937, cette PME localisée à Saint-André de la Roche (Alpes-Maritimes) opère depuis plus de 70 ans sur le marché de l’éclairage et a fait du collaboratif une pierre angulaire de sa gouvernance d’entreprise.
CoreKap : « Pourquoi avez-vous décidé de mettre en place une gouvernance collaborative dans votre entreprise ? »
B. ALFANDARI : « Depuis 2008 se sont succédées, dans l’entreprise, des évolutions qui marquent un vrai changement pour RESISTEX, un tournant si l’on considère la culture – déjà ancienne – de l’entreprise familiale qui a vu le jour en 1937. Parmi ces changements : l’appropriation forte de l’objectif de développement durable, qui a impacté nos produits et notre activité ; la place faite à l’Humain dans l’entreprise, qui a influé à la fois sur nos valeurs, nos priorités et notre conception du rôle des collaborateurs ; et enfin la Responsabilité Sociétale qui nécessite une vision durable incluant les attentes de nos parties prenantes, une réflexion partagée, des décisions claires et assumées.
Cependant, je ne crois pas que cette décision provienne d’un seul homme. J’ai été très surpris, en 2011, quand mes collaborateurs cadres ont pris l’initiative de construire en équipe un ambitieux business plan sur trois ans. Mon accord fut le premier signe de la confiance que je porte à ceux qui travaillent de façon constructive chez RESISTEX. L’appropriation et le déploiement projet se sont fait ensuite de façon collective. Je n’ai pas été déçu !
Bien d’autres raisons, depuis, expliquent cette volonté. Je souhaite tout d’abord que, lorsque je suis en déplacement, souvent du fait de mes fonctions représentatives, associatives, syndicales, ou de mon désir d’échange avec les acteurs de mon territoire – le bateau soit toujours piloté. Et je suis convaincu que le résultat du collaboratif est bien meilleur que la somme des résultats individuels. »
CoreKap : « En quoi consiste la gouvernance collaborative chez RESISTEX ? Comment l’avez-vous mis en place? Comment celle-ci se traduit-elle au quotidien ? »
B. ALFANDARI : « Notre gouvernance collaborative découle des phénomènes décrits précédemment : elle relève d‘un niveau de concertation plus élevé, et surtout de la valorisation des compétences que le collaborateur ne sait pas encore qu’il peut mettre à la disposition de l’entreprise pour participer à la faire grandir.
Par ailleurs, « Mettre en place » est un grand mot. Il est difficile de passer d’outils collaboratifs à une vraie culture du collaboratif, de passer du « one shot » – et même de plusieurs « one shot » – à une démarche intégrée.
Ma prise de conscience s’est faite en 2013 à l’occasion d’une friction entre certains cadres qui avaient du mal à collaborer. L’appel à un coach a permis d’aborder les relations interpersonnelles, y compris la gestion des égos, y compris dans le cadre de la gouvernance.
Pour la partie organisation, nous avons pensé important de travailler d’abord avec les Managers, desquels on attend l’exemplarité. Nous avons ainsi mis en place un dispositif de gouvernance plus structuré, avec un CODIR – constitué des Managers qui gouvernent au sein de comités, comités Stratégie, Budget, QHSE, Projets. Ces comités sont en principe ouverts à d’autres collaborateurs experts des thèmes traités, mais cette ouverture reste encore assez rare.
Plus récemment, nous élargissons nos ambitions de collaboratif : nous avons demandé aux collaborateurs de s’impliquer dans des ateliers « transversaux » de réflexion qui ne concernent pas directement leur fiche de fonction, assez modestement pour l’instant : sur des sujets tournés davantage vers les conditions de travail que vers les thèmes métier.
Il y a 2 ans, nous avons mis en place une démarche de GPEC. Elle vise bien entendu à adapter les compétences des femmes et des hommes de l’entreprise aux besoins de celle-ci. Mais nous avons choisi de lui donner une orientation particulière en intégrant dans les missions de chaque personne, dans le cadre de projets communs, des activités relevant du collaboratif.
Enfin, la mise en place d’une démarche de Veille très largement ouverte aux collaborateurs, tant pour l’alimentation en informations que pour l’utilisation de celles-ci, va également dans le sens de l’émergence de plus-values issue de la mise en commun des compétences et des connaissances. »
CoreKap : « Avez-vous rencontré des freins lors de sa mise en place ? Comment les avez-vous levés ? »
B. ALFANDARI : « Bien sûr le changement d’organisation ou de façon de travailler ne se fait pas sans heurts : la force de l’habitude, l’individualisme, les différences dans les priorités selon la sensibilité de chacun, sont autant de blocages que le manque de compétence de l’entreprise elle-même. L’appel à une expertise extérieure me semble utile en la matière, c’est pourquoi nous allons faire appel à un expert de l’intelligence collective pour former – dans un premier temps, nos cadres.
Je veux revenir toujours à nos valeurs que nous avons choisies de façon collective en 2013, avec l’ensemble de nos collaborateurs : Audace, Confiance, Engagement et Honnêteté. Nous aurions pu aussi adopter l’Ecoute, le Respect, qui peuvent nous aider à avancer de façon plus collaborative. »
CoreKap : « Comment vos parties prenantes perçoivent-ils cette gouvernance collaborative ? »
B. ALFANDARI : « Toutes nos parties prenantes n’en sont pas encore au même niveau ! Ni en termes de capacité de notre part, ni en termes de confort de la leur. Je crois qu’il y a une concertation très riche avec nos partenaires financiers, une vraie demande de la part de nos commerciaux, encore un peu d’inconfort en revanche chez une partie de nos collaborateurs très habitués à leur domaine de confort. Quant à nos clients principaux, les électriciens, que notre stratégie vise à considérer comme de futurs partenaires, ils sont demandeurs mais nous avons un gros travail d’organisation à effectuer avec eux. »
CoreKap : « Qu’attendez-vous de cette gouvernance collaborative ? »
B. ALFANDARI : « Très certainement des collaborateurs encore plus motivés, qui renforcent leur engagement vis-à-vis de l’entreprise.
Et puis surtout, il y a la dimension de l’individu, qui se transcende dans un collectif bienveillant. La créativité, l’autonomie, la prise d’initiative, l’enthousiasme sont des qualités présentes à des degrés divers chez chacun d’entre nous mais qui ne trouvent pas à s’exprimer dans le cadre d’une organisation classique de type hiérarchique et pyramidale. Une entreprise qui souhaite déléguer le pouvoir doit révéler et libérer les talents de ses salariés. Elle devient alors non seulement créatrice d’innovation, mais aussi épanouissante, attractive et performante : c’est l’entreprise libérée … »
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